La construction de la musique de la langue est le titre de l’intervention d’Evelio Cabrejo Parra au colloque A.C.C.E.S. – Premières transmissions de la langue orale – Médiathèque Marguerite Duras, 11 octobre 2018
Le texte intégral de la conférence
Chez l’enfant, la compréhension de la langue est plus étendue que sa production.
Très tôt, l’enfant comprend les contenus implicites d’une phrase, les constructions grammaticales, la complexité de la langue. Aucune théorie n’explique jusqu’à présent l’appropriation de ces processus langagiers.
Evelio Cabrejo Parra a appris le français à l’âge adulte, et en arrivant en France il a constaté que les enfants étaient surpris par sa manière de le parler, il en a profité pour tester leur compétence vis-à-vis d’énoncés non acceptables. Il découvre que les enfants ont très tôt un savoir linguistique leur permettant un usage précis de la langue et qu’ils intériorisent les subtilités linguistiques sans passer par des moyens pédagogiques explicites. L’appropriation d’une langue est une capacité naturelle. Il est difficile d’empêcher un bébé sans difficultés neurologiques d’apprendre à parler, par contre tous les enfants ont besoin d’aide pédagogique pour apprendre à lire et à écrire.
Un élément fondamental de l’appropriation de la langue orale est la construction de la voix. Dans les langues que nous parlons aujourd’hui, on peut retrouver la trace d’une quantité de voix qui constituent le socle de l’histoire des langues orales. Le langage est tellement enraciné en nous du point de vue neurologique, psychique et culturel que l’on est encore loin de pouvoir définir en quoi consiste l’acquisition des processus langagiers.
L’opération fondamentale se situe au moment où le bébé est capable de penser que la personne avec laquelle il a créé des liens continue à exister même s’il ne la voit pas. La représentation de l’absence participe nettement au processus d’acquisition du langage avec des conséquences considérables. Mais la réalisation de cette opération implique que l’enfant a réussi a construire la représentation symbolique de l’autre à l’intérieur de lui même. En créant l’autre, le bébé se pose aussi en tant qu’existant. Le langage est un processus psychique de reconnaissance réciproque de sujet à sujet.
Une fois que cela est posé chaque langue développe ses propres codes pour mettre en scène l’intersubjectivité. Certaines le font à travers des pronoms, d’autres à travers des particules comme le japonais et d’autres langues asiatiques. Parler c’est poser l’autre en se posant soi-même.
Evelio Cabrejo Parra illustre ensuite sa démonstration en étudiant l’album Dinosaures, dinosaures / Byron Barton – L’école des loisirs, 1990.
Parler avec l’enfant, l’écouter, reconnaître sa pensée, lui envoyer des échos de son activité mentale, c’est l’accompagner dans son devenir de sujet énonciateur. Il faut alimenter sans cesse ces compétences. La meilleure manière de le faire, c’est d’offrir la langue dans toute sa complexité, en particulier la langue du récit dont la musique est différente de celle de la langue de la vie quotidienne. Un conte est un « oral écrit ».